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Association paritaire pour la santé et la sécurité
du travail, secteur "Administration provinciale"

Le climat de sécurité psychosociale au travail

Rédigé par: APSSAP

Le climat de sécurité psychosociale au travail : tour d’horizon avec Caroline Biron

Il y a déjà plusieurs mois, je vous proposais un premier tour d’horizon sur le présentéisme, où je posais quelques questions sur le sujet à un expert. Je récidive et je vous propose cette fois d’en découvrir davantage sur le climat de sécurité psychologique au travail. Pour ce faire, j’ai interrogé madame Caroline Biron , professeure adjointe au département de management et membre de la Chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail de l’université Laval.

Qu’est-ce que le climat de sécurité psychosociale au travail?
Le climat de sécurité psychosociale réfère aux « politiques, pratiques et procédures organisationnelles visant la protection de la santé et de la sécurité psychologique des travailleurs » [1]. Le climat de sécurité psychosociale s’articule autour de quatre aspects :

•    l’engagement de la direction envers la santé psychologique
•    la priorité accordée à ce dossier comparativement à celui de la productivité
•    les communications sur ce sujet, incluant l’écoute des préoccupations des employés
•    la participation, la consultation et l’implication de toutes les parties prenantes, tels que les syndicats, les intervenants en santé et en sécurité au travail et les ressources humaines

Un bon climat de sécurité psychosociale, c’est un peu comme le terreau fertile qui permet aux plantes de pousser en santé. À l’inverse, un climat psychosocial faible favorise l’apparition de mauvaises herbes, soit les risques à la santé mentale. En d’autres mots, il agit en amont des risques reliés à la charge excessive, au faible soutien social, au manque de reconnaissance et à un faible degré d’autonomie. Par exemple, si la haute direction n’est pas engagée à prévenir les problèmes de santé psychologique, les travailleurs ont plus de chances d’être exposés et moins protégés face aux risques à la santé psychologique.

D’où ça vient?
C’est un concept relativement récent selon madame Biron. En effet, il a été développé principalement par Maureen Dollard, une professeure Australienne, en 2010 [1].

Pourquoi est-ce important en prévention?
Plusieurs études ont démontré que les personnes qui perçoivent un climat de sécurité psychosociale élevé rapportent une meilleure santé psychologique [2] et moins d’exposition aux risques psychosociaux comme la charge de travail excessive, un faible degré d’autonomie et un faible soutien social [1] . Un climat de sécurité psychosociale élevé fait également en sorte que les travailleurs sont davantage en mesure d’utiliser les ressources disponibles pour effectuer leur travail [3].

« Le climat de sécurité psychosociale a aussi des implications majeures pour les interventions visant à créer des milieux de travail sains » nous informe madame Biron. Elle ajoute que « d’une part, l’engagement de la direction et des différentes parties prenantes constitue une condition de succès pour les interventions de prévention. D’autre part, l’implantation des interventions dépend également des politiques, des pratiques et des procédures de communication et de gestion. Ces dernières vont permettre de soutenir les milieux dans la mise en œuvre d’actions préventives».

Comment on s’en sert?
Une étude [4] a démontré que le climat de sécurité psychosocial permet de prédire le succès d’une intervention visant à réduire le stress au travail. Madame Biron propose de se servir de cet indicateur de façon préalable à l’intervention puisqu’il nous fournit des éléments d’informations essentiels. « Lorsque le climat psychosocial est fort, les employés participent davantage aux activités d’intervention, le progrès est plus grand et les résultats obtenus en terme d’effets sur la santé sont plus importants ».

Existe-t-il des normes?
En Australie, des chercheurs ont développé une norme nationale sur le climat de sécurité psychosociale [5]. Ils ont établi que le climat psychosocial était un déterminant important du stress et de la dépression dans les organisations. Ils ont ensuite déterminé des scores de références en ce qui a trait au stress au travail. Leur étude a permis de montrer qu’en augmentant le score de climat de sécurité psychosociale d’une organisation au-delà d’un certain seuil, on diminuait la tension au travail de 16% et les symptômes dépressifs de 14%.

Comment faire pour le développer?
Pour le développer, on doit s’assurer de mettre en œuvre tous les ingrédients préalables aux interventions préventives en santé psychologique. Cela implique de s’assurer de la participation des travailleurs aux interventions préventives, d’avoir de bons processus de communication, de l’engagement de la haute direction face à la santé psychologique et d’accorder une grande priorité à la santé psychologique des travailleurs, aussi grande que pour les objectifs de production.

Mais comme le mentionne madame Biron, entamer des démarches préventives n’est pas toujours facile dans un contexte économique de coupures et de changements organisationnels constants. «Or, c’est justement dans ce genre de contexte qu’il y a urgence d’agir pour prévenir les problèmes de santé psychologique. Il faut penser que la création de milieux de travail sains, c’est aussi payant au plan économique! En effet, une étude récente réalisée dans 31 pays Européens a démontré que la santé des travailleurs était reliée au produit intérieur brut. Compte tenu des coûts liés au stress au travail, il est crucial d’élargir nos politiques SST et nos programmes de santé publique pour y inclure la prévention des risques psychosociaux, puisque c’est payant… pour tous! »

Pour en apprendre davantage sur le sujet, n’hésitez pas à consulter les références fournies en fin de texte.

L’APSSAP remercie madame Biron pour sa généreuse contribution au contenu de ce blogue.

 

1. Dollard, M. and A.B. Bakker, Psychosocial safety climate as a precursor to conducive work environments, psychological health problems, and employee engagement. Journal of Occupational Health Psychology, 2010. 83(3): p. 579-599.
2. Idris, M.A., et al., Psychosocial safety climate: Conceptual distinctiveness and effect on job demands and worker psychological health. Safety Science, 2012. 50(1): p. 19-28.
3. Dollard, M.F., M.R. Tuckey, and C. Dormann, Psychosocial safety climate moderates the job demand-resource interaction in predicting workgroup distress. Accident Analysis and Prevention, 2012. 45: p. 694-704.
4. Dollard, M.F., Psychosocial safety climate: a lead indicator of workplace psychological health and engagement and a precursor to intervention success, in Improving organizational interventions for stress and well-being interventions: Addressing process and context C. Biron, M. Karanika-Murray, and C.L. Cooper, Editors. 2012, Routledge: London. p. 77-101.
5. Bailey, T.S., M.F. Dollard, and P.A.M. Richards, A national standard for psychosocial safety climate (PSC): PSC 41 as the benchmark for low risk of job strain and depressive symptoms. Journal of Occupational Health Psychology, 2015. 20(1): p. 15-26.